Interview CHICO de TRUCKERS : 30 ans déjà !
Par Philippe Archambeau


Philippe Archambeau : Bonjour Chico, merci d’avoir accepté cette interview pour Road To Jacksonville, pour les 30 ans de Truckers. J’aimerais tout d’abord que tu nous parles un peu plus de toi, peux-tu nous nous dire où tu es né ?

Chico : Je suis né dans une ville de l’est de la France, à Valentigney en Franche-Comté, j’étais le deuxième d’une famille de cinq enfants.

Philippe Archambeau : Tes parents jouaient-il d’un instrument ? Y avait-il du monde qui jouait chez toi ?

Chico : De temps en temps mon père jouait de l’accordéon diatonique, mais la famille n’était pas branché musique du tout.

Philippe Archambeau : Comment as-tu découvert la musique ? Est-ce par tes frères ? Ou par des copains ?

Chico : A cette époque les parents mettaient leurs enfants dans les cours de musique c’était un peu une mode et ça leur permettait d’être peinards pendant un moment. Mon grand frère et moi nous nous sommes retrouvés à 7 et 9 ans avec chacun un accordéon dans les mains à apprendre valses et marches diverses, une grosse galère ! Je n’étais pas un grand fan de cet instrument, même si je l’ai toujours aujourd’hui…

Philippe Archambeau : Comment es-tu venu à jouer d’un instrument ? Et comment as-tu choisi ?

Chico : J’étais très intéressé par le saxophone ténor, alors j’ai demandé à mon père de me changer d’instrument et j’ai intégré une école de musique municipale pour apprendre. Je me suis vraiment bien éclaté. Par la suite, ma grand-mère, voyant que je bossais bien, m’a offert un saxophone tout neuf un jour de Noël, le plus beau cadeau du monde... et j’ai pratiqué à l’harmonie de la ville jusqu'à l’âge de 14 ans...

Philippe Archambeau : Qu’est ce qui t’a attiré dans le saxo ? Et comment avais tu découvert cet instrument ?

Chico : En fait j’ai découvert le saxophone par hasard, mais j’étais attiré par l’instrument. Dans l’ensemble instrumental de l’école de musique, on avait besoin d’un saxophoniste ténor alors je m’y suis collé …et je suis tombé vraiment amoureux de cet instrument.

Philippe Archambeau : As-tu eu l’occasion de jouer de la musique en famille avec tes frères et sœurs ?

Chico : Oui je jouais avec mon grand frère : accordéon, saxophone, on jouait tout ce qui nous passait par la tête, mais seulement à la maison.

Philippe Archambeau : Qu’écoutais-tu comme musique adolescent ? Jouais-tu live avec ton école de musique
et dans quelles circonstances ?  ?

Chico : Je n’ai jamais voulu jouer avec mon école de musique, je voulais juste apprendre à maîtriser le sax. À cette époque j’étais un fan de Rudy Pompilli le saxophoniste de Bill Haley. Je rêvais d’intégrer un groupe de rock mais à cette époque dans la région je n’en connaissais pas. J’écoutais mes classiques, Gene Vincent, Chuck Berry, Eddie Cochran, Little Richard, Jerry Lee Lewis, et bien sûr les Rolling Stones, Black Sabbath, les Beatles, etc...

Philippe Archambeau : Après donc avoir appris et joué du saxo, quels ont été tes premiers groupes ?
Y jouais-tu du saxo ?

Chico : Je pensais m’arrêter là. Comme tout ado je pensais plutôt à draguer les filles et à passer de bons moments avec mon grand frère, on était très proche. Je ne pensais pas que la ma vie allait basculer d’un coup et que je ne serais plus jamais le même. Début des années seventies, j’ai perdu d’un coup mon grand-père, qui était un dieu pour moi, d’une maladie foudroyante, et mon grand frère dans un accident de la route. Un sentiment d’injustice et de haine m'a envahi pour ne plus jamais me quitter. À partir de ce moment là, a commencé pour moi une période d’errance. J’ai rencontré pas mal de gens en sortant dans des endroits un peu craignos, je me suis fait des potes un peu largués aussi qui avaient souffert comme moi pour des raisons diverses, père ou mère alcoolo, mort d’un très proche, comme moi, enfants battus (souvent le cas à l’époque). Alors a commencé une vie un peu rock'n'roll : alcool, bastons, filles, démesures, du tout et du n’importe quoi. Avec Yves Philippot-Degand, nous l’avons raconté dans « In the city » sur l’album « Travelin’ Man ». Et là j’ai trouvé ma nouvelle famille. J’étais bien, pas heureux mais bien, et bien sûr, dans tout ce petit monde, beaucoup de musiciens fans de rock. Alors on se réunissait le soir pour boire un verre et jouer un peu de rock'n'roll.

Philippe Archambeau : Peux-tu nous en dire plus sur tes débuts, comment en es-tu venu à chanter ?

Chico : Je n’avais jamais pensé à chanter un jour. À 16 ans j’ai intégré un groupe de potes qui avaient monté un band (un groupe, NdR.) pour jouer le dimanche dans un petit local où ils faisaient des petites fêtes. Chacun chantait ce qu’il voulait. Ce n’est qu'en 1986, quand je me suis mis dans la tête de monter mon propre groupe que la question s'est posée car nous avions tous les instruments et pas de chanteur. Alors mes musiciens m’ont demandé d‘essayer le chant. Voilà comment j’en suis arrivé là. Mais ce n’est pas facile de se lancer à chanter, et surtout essaye de gérer la pression du premier concert où tout le monde a les yeux rivés sur toi. Et puis après, ben tu bosses et tu essaies de trouver ta place, mais ça a été très dur pour moi. Tu es livré à toi-même, tu te débrouilles seul pour apprendre à chanter à peu près correctement et les références ne manquent pas. Alors il faut apprendre l'humilité, faire du rock'n'roll, ce n’est pas seulement jouer : c’est aussi un état d’esprit.

Philippe Archambeau : Y avait –il déjà un membre de ce qui deviendra Truckers quelques années
après dans ces premiers groupes ?

Chico : Non, pas du tout : j’étais le seul à essayer de monter mon projet, nous nous sommes croisés quelquefois sur des scènes lors de concerts. Ils m’ont suivi après dans mon aventure qu’ils pensaient éphémère. C’est vrai qu’à cette époque les groupes rock avaient pour des raisons différentes une durée de vie limitée.

Philippe Archambeau : À cette époque as-tu vu certains artistes live qui t’ont ensuite influencé ?
Je pense notamment à Dr Feelgood ?

Chico : Non, à cette époque je n’ai pas eu pour différentes raisons la chance de voir des groupes que j’admirais sur scène. Mais j‘écoutais le plus souvent possible leurs albums. Ça me faisait rêver, c’est vrai je suis un fan de Dr Feelgood mais pas que. Je suis très ouvert en zic, je m’intéresse à tout ce qui se fait.

Philippe Archambeau : Peux-tu nous dire les groupes que tu as eus avant Truckers et nous raconter quelques anecdotes ?

Chico : J'ai fait le pari d'un groupe en 1973 qui faisait du rock'n'roll, j'allais aux répètes en mobylette, belle époque. En 1975 j'ai fait la première partie d'un groupe de rock bien connu dans la région, The Black Angels, ils partaient en tournée et avaient besoin d'un saxophoniste alors je suis resté avec eux. Une époque très rock'n'roll dans tous les sens du terme, rock, alcool, filles, baston, etc... Je pourrais même écrire un livre sur cette épopée tellement les aventures que j'ai vécues avec eux étaient extraordinaires. Ils ne m'ont pas appris la musique mais ont donné un sens à ma vie.

Philippe Archambeau : Comment s’est monté Truckers ? Peux-tu nous raconter vos débuts ?

Chico : Je venais de quitter un groupe où j'étais saxophoniste depuis 8 ans, et j'ai voulu monter mon propre groupe. J'ai cherché pendant des semaines des zicos qui me feraient confiance et qui me suivraient dans mon aventure. En fait j'ai trouvé des zicos qui étaient en manque de groupe et de scène, qui sont venus en attendant des jours meilleurs, ça a commencé comme ça.

Philippe Archambeau : Il y a un an sortait votre huitième album, I Need You, peux-tu nous en dire plus sur comment et où s'est passé son enregistrement ? As-tu quelques anecdotes ?

Chico : Après le 7ème album personne n'avait envisagé de remettre le couvert... lorsque notre bassiste mon ami JP sur son lit de mort m'a fait promettre que malgré tout Truckers continuerait sans lui… J'ai donc décidé de faire encore un bout de route pour lui rendre hommage avec un dernier album, avant de raccrocher... Les musiciens du groupe n'avaient pas du tout envie de retourner en studio. Il y a fallu que je me batte pour que ce projet se concrétise au studio de Mulhouse, l'endroit-même où nous avons enregistré nos albums studio... Beaucoup d'amis musiciens ont participé musicalement pour rendre hommage à JP sur cet album... qui a été stoppé dans sa promotion par la crise de la Covid.

Philippe Archambeau : J'invite tous ceux qui ne l'ont pas à te contacter pour se le procurer,
mais peux-tu nous en dire plus sur le titre « I Need You », qui donne son nom à l'album ?

Chico : JP nous manque énormément, il nous apportait la stabilité et savait gérer les crises qui parfois touchaient le groupe... « I Need You »... C'était le titre idéal...

Philippe Archambeau : Il y a deux reprises sur le disque, peux-tu nous en dire un mot, à savoir tout d'abord
sur une étonnante adaptation du « Heroes » de Bowie avec Manu Aeschbach à la six cordes, et une reprise
des Texans de Arc Angels, « Shape I'm In », leur boogie-rock va comme un gant aux Truckers.

Chico : Pour les Texans nous jouons depuis longtemps « Shape I'm In » en concert. Le public apprécie beaucoup et pense souvent que c'est une de nos compos. J'ai pensé que notre version irait bien sur un album, avec Jean-Marie Coron à la gratte... Quant à la reprise de « Heroes »... Un soir en buvant une bière dans un bar avec des amis, on écoutait justement Bowie sur les enceintes du bar. Et un de mes potes m'a dit qu'une version Truckers de « Heroes » pourrait être intéressante juste pour voir comment on allait traiter le sujet... On ne s'attaque pas à Bowie du jour au lendemain, son chant est particulier, il m'a fallu du temps pour me décider à franchir le pas... Il nous fallait aussi un guitariste d’exception pour renforcer la partie rythmique, j'ai tout de suite pensé à Manu, avec qui j'ai passé une journée au top au studio en compagnie de Jean-Marie. Un très bon souvenir.

Philippe Archambeau : Que raconte « On The Side of Your Road », où Jean-Marie Coron nous gratifie d'un efficace
jeu de slide ?

Chico : C'est une chanson très personnelle sur ma mère... N'étant pas le seul dans ce cas, j'ai voulu en faire une chanson, aidé par Yves Philippot-Degand... Et si je devait résumer cette chanson en une phrase..."Tu m'as laissé sur le bord de la route."

Philippe Archambeau : Il y a une surprise quand on laisse le disque tourner, avec un titre de jazz manouche, comment cela s'est-il passé, et cela débouchera-t-il sur une suite ? Quels sont tes projets musicaux pour 2021?

Chico : Oui j'aime beaucoup le jazz swing. Au début on a fait ça avec des amis, les soirs de « teuff »... puis on a enregistré un titre pour un morceau caché, et c'est vrai que l'on me parle très souvent de ce swing. Du coup nous en avons fait un deuxième, et on a fait une vidéo des deux visibles sur YouTube, en tapant les imprévus, la voisine... Cela s'adresse à un public différent, du coup les journalistes spécialisés m'ont contacté pour savoir si nous avions un album. Étonnant pour moi. C'est vrai que j'aime bien aussi chanter dans ma langue natale... Pour les projets 2021, 2022... Je travaille avec les amis sur un album blues qui, j’espère, verra le jour fin 2021... Et en parallèle je travaille sur un album swing en français. Pas mal de travail en perspective donc...

Philippe Archambeau : Je n'ai eu l'occasion de vous voir que deux fois en concert, mais la scène c'est ton domaine, que ressens-tu quand tu montes sur scène ?

Chico : La scène c'est un partage avec le public… Notre musique est faite pour être partagée et la scène est le lieu idéal pour ça. Certains disent que les Truckers sont faits pour la scène... Peut être... En tous cas c'est un lieu magique pour communier avec un public.

Philippe Archambeau : La première partie de ZZ TOP que vous avez assurée dans le Nord, restera-t-elle
le sommet de Truckers sur scène ?

Chico : Non pas vraiment. C'était extraordinaire, mais les Truckers ont vécu d'autres moments aussi exceptionnels que celui-là, je pense que le meilleur moment pour moi a été le jour de ma première grande scène en première partie de Rory Gallagher...

Philippe Archambeau : C’était où ?

Chico : Aux Free Wheels en 1993.

Philippe Archambeau : Dernière et traditionnelle question ici, si tu devrais séjourner sur une île déserte,
quels sont les cinq disques que tu emmènerais avec toi ?

Chico : Ah oui la traditionnelle question... En fait, pour te répondre franchement, si c'est sur une île déserte, avant de me poser la question de savoir quel album j'emmènerais, je me renseignerais de savoir si il y de quoi les écouter...

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